Tatouage et punition, le marquage social du tatouage punitif


Tatouage numéro de matricule à Auschwitz
Tatouage numéro de matricule à Auschwitz
À travers l’étude de l’histoire et des civilisations, on retrouve de nombreuses traces du tatouage comme punition, comme un moyen de marquage social. Le tatouage forcé et punitif vise la plupart du temps à identifier et à exclure l’individu de la société en le désignant irrémédiablement à ses congénères.

Pendant la seconde guerre mondiale, les nazis avaient mis en place un système de tatouage pour les juifs et autres détenus du camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz (Les tsiganes étaient par exemple tatoués de la lettre « Z », pour « Zigeuner », les Aryens de la lettre « A »). Dès l’entrée des prisonniers dans les camps, les SS leur imprimaient un numéro de matricule tatoué à l’intérieur du poignet qui devenait leur seule identité, comme du bétail, dans un processus de déshumanisation.

Ceux qui n’étaient pas marqués par ce tatouage à leur arrivée étaient condamnés à une exécution immédiate. Ce marquage était vécu comme une humiliation par les déportés. Néanmoins, nombreux sont les survivants des camps de concentration qui ont conservé cette marque comme une preuve de leur survie, comme un témoignage de cette horreur, en honneur aux disparus. D’autres ont choisi d’enlever la marque pour effacer l’infamie, la honte et l’avilissement subie pendant cette période. Le mot ka-tzetnik désigne le nom de ce tatouage de la honte et signifie en Yiddish les déportés des camps.

Tatouage de croix gammée sur le front d'une femme tondue
Tatouage de croix gammée sur le front d'une femme tondue
A la libération, on a assisté à une véritable vague d’épuration, qui a touché près de 10.000 personnes, et plus particulièrement de nombreuses de femmes qui ont été tondues, la tête rasée et une croix gammée peinte au goudron sur le front pour avoir eu des relations sexuelles avec des allemands (la « collaboration horizontale ») ou pour avoir fait preuve de collaboration économique avec l’ennemi, cette preuve ce limitant bien souvent à des dénonciations. Parfois on allait jusqu’à les scarifier ou à leur tatouer une croix gammée sur le crâne, ou même jusqu’à des lynchages publiques purs et simples.


Au Japon, pendant la période Edo (ancien nom de Tokyo), qui débute vers 1603 par la prise de pouvoir de Ieyasu Tokugawa (bataille de Sekigahara) et se termine vers 1868 avec la restauration Meiji, on trouve également des cas de tatouages symbolisant un marquage social : les prostituées les utilisaient par exemple pour attirer plus facilement leurs clients. Le tatouage des criminels était une punition officielle de cette période, du moins jusqu’en 1720, lorsqu’il fut remplacé par l’amputation du nez et des oreilles. Le tatouage des criminels a cependant continué jusqu’en 1870, puis fut aboli par le gouvernement Meiji de l’Empereur Japonais. Cette punition visible que constituait le tatouage a engendré une forte population de hors-la loi, forcés à l’exil et n’ayant nulle part où aller, constituée en grande partie de guerriers samouraï (les Ronin). On retrouve au travers de l’auto-structuration de ces gangs de hors la loi l’origine du crime organisé dans le Japon moderne et des yakuza, criminels aux tatouages très présents, le marquage étant devenu identitaire chez eux.

Tatouage Yakuza Japonais
Tatouage Yakuza Japonais

D’autres exemples connus de tatouages punitifs et contraints :

Dans l’empire Romain, les esclaves étaient également tatoués, de même que les voleurs, les criminels et les hérétiques. Cette coutume daterait de l’empereur Constantin, qui avait décrté que les criminels destinés aux jeux du cirsque devaient être tatoués sur les jambes et les mains, mais jamais sur le visage. Cela reflète la montée du christianisme dans l’empire. Le visage de l’homme ayant été créé à l’image de Dieu, on ne pouvait le scarifier.

– Si les Perses réservaient le tatouage aux notables dans leurs coutumes, les Grecs, avec qui ils étaient en guerre, réservaient en conséquence cette pratique à leurs prisonniers. Le tatouage des esclaves des grecs représentait une chouette et était le plus souvent tatoué sur le front pour empêcher toute dissimulation. Platon énoncera lui-même un principe faisant du tatouage une marque de sacrilège